© Stéphane de Bourgies
Cette année, Jean-Paul Hévin célèbre ses 30 ans d'amour pour le cacao. L’occasion, pour les choco-addicts que nous sommes de rencontrer cette icône de la chocolaterie française. En trente ans de carrière, l’artisan chocolatier et chef pâtissier a ouvert cinq boutiques à Paris, deux à Taïwan et une à Shanghaï. Mais, adulé au Japon, c’est au pays du Soleil-Levant que l’homme chocolat possède le plus de points de vente avec pas moins de douze concept stores. Pour nous, l’orfèvre du chocolat revient sur son incroyable parcours, entre France et Japon, nous dévoile quelques uns de ses projets cacaotés et nous présente sa toute dernière collection de Pâques. Rencontre gourmande avec le plus japonais des chocolatiers français !
« Petit, je voulais devenir électronicien ! »
Votre carrière dans l’univers de la chocolaterie était-elle toute tracée ? Non, sûrement pas ! Petit, je voulais devenir électronicien ! Un jour, j’ai visité une boulangerie-pâtisserie et je me souviens avoir dit que jamais je ne ferai ce métier (rires) !
Vous vous y prenez trop tard pour les inscriptions et décidez finalement d’intégrer une formation dans la pâtisserie et la chocolaterie. Que se passe-t-il une fois votre CAP en poche ? Je suis parti en province, puis, assez rapidement je suis arrivé à Paris où j’ai travaillé à l’Hôtel Intercontinental et à l’Hôtel Nikko. C’est là que j’ai fait la rencontre de Joël Robuchon.
Que vous a-t-il enseigné ? Joël Robuchon m’a permis d’apprendre mon métier. Il m’a apporté le raffinement, la sensibilité, le savoir-faire, l’exigence, sans oublier le goût pour les matières premières de très haute qualité. Il m’a fait découvrir un monde d’émerveillement. Il sublimait les produits avec beaucoup d’imagination et je me suis vite surpris à vouloir faire la même chose !
Quelle proposition va changer votre vie en 1984 ? La maison Peltier, qui était la pâtisserie la plus en vue à l’époque et dans laquelle bon nombre de pâtissiers d’aujourd’hui sont passés pour apprendre leur métier, m’a repéré suite au concours Charles Proust que j’ai gagné en 1980 et m’a demandé d’aller ouvrir leur première boutique au Japon. Très honoré, j'ai accepté de partir à Tokyo !
Que vous a apporté le titre de MOF en 1986 ? Ce titre de Meilleur Ouvrier de France section pâtisserie-confiserie m’a surtout apporté une belle expérience sur moi-même ! Grâce à lui, j’ai pu voir jusqu’où je pouvais aller dans mes capacités et dans ma volonté de réussir quelque chose.
Quand avez-vous finalement eu le déclic pour le chocolat ? J’ai toujours été très attiré par le cacao, sa matière, son odeur, son originalité... J’aime l’idée de pouvoir le sculpter, le modeler… Plus jeune, je faisais déjà des gâteaux au chocolat. C’était sûrement un signe !
Vous parlez du cacao comme d'un bijou… Parce que c’en est un ! Le chocolat est un produit très noble et très intéressant pour la santé.
« Une partie de moi est quelque part au Japon ! »
Après l’ouverture de 3 boutiques parisiennes en 1987, 1990 et 1997, vous ouvrez votre premier corner au Japon en 2002. Depuis, c’est au Japon que vous possédez le plus de points de vente avec une douzaine de lieux. D’où est né votre amour pour le pays du Soleil-Levant et de la culture japonaise ? Je faisais du karaté avant même d’aller au Japon donc je parlais déjà un petit peu japonais. Et puis j’avais travaillé à l’hôtel Nikko qui appartenait à la Japan Airlines, la compagnie japonaise d’aviation. C’est donc tout naturellement que je me suis imprégné de cette culture et que je me suis senti attiré par ce pays. Aujourd’hui, je pense qu’une partie de moi est quelque part au Japon !
À votre avis, pourquoi vos chocolats plaisent-ils autant aux Japonais ? Déjà, parce que je suis arrivé au Japon au bon moment ! Et aussi, parce que j’avais une certaine connaissance du pays et de la culture japonaise. J’ai réfléchi à la meilleure manière de présenter mes chocolats au Japon et j’ai eu l’idée de créer la cave et le bar à chocolat en 2002 à Tokyo et Hiroshima. Le concept a tout de suite séduit les Japonais et m’a permis d’avoir une certaine avance sur mes collègues chocolatiers.
Quel est le péché mignon des Japonais ? Les Japonais ne sont pas très becs sucrés. Ils préfèrent le chocolat noir au chocolat au lait et raffolent tout particulièrement du chocolat noir à l’orange.
Et celui des Français ? Sans hésiter, le chocolat au lait caramel fleur de sel qui représente la plus grosse vente côté tablettes.
Où sont fabriqués les chocolats que vous vendez dans le monde entier ? J’ai pris la décision de fabriquer tous mes chocolats dans mon laboratoire basé à Colombes pour garantir une certaine qualité mais aussi parce que je savais à quel point les Japonais aiment l’authenticité. Quand ils achètent un chocolat Jean-Paul Hévin, ils rêvent d'un chocolat fabriqué en France, dans la maison-mère. Cette compréhension a été déterminante dans ma réussite au Japon.
Vous êtes en quelque sorte le plus japonais des chocolatiers français... Sans doute, oui (rires) ! Mais sans le vouloir. Tout comme je n’ai pas fait exprès de me marier avec une Japonaise (rires) ! C’est ma sensibilité au raffinement qui me vaut certainement ce qualificatif.
« Je vends 3 tonnes de chocolat pendant les fêtes de Pâques ! »
Quel est le thème de votre collection de Pâques cette année ? Les années 30. D'une part pour célébrer les 30 ans de la Maison Jean-Paul Hévin mais aussi pour fêter les 30 ans à venir (rires) !
Qu’évoquent pour vous les années 30 ? Sur le plan artistique, les peintures de Piet Mondrian et le téléphone homard de Dali que j'ai d'ailleurs revisités.
Combien de temps à l’avance préparez-vous votre collection de Pâques ? 8 mois à l'avance. Chaque année, je choisis une thématique aux alentours du mois de mai et ensuite je la décline à l’occasion de Noël, de la Saint-Valentin et des fêtes de Pâques.
Combien de kilos de chocolat vendez-vous chaque année à Pâques ? Environ 3 tonnes en ce qui concerne la France.
En France, vous réalisez 30% de votre chiffre d’affaire pendant les fêtes de Pâques. Comment expliquez-vous cet engouement des Français pour vos créations pascales ? Mes créations pour Pâques sont toujours atypiques parce qu’elles sont liées à une thématique que je décline toute l’année mais aussi parce que j’aime réinterpréter les symboles traditionnels de Pâques avec un petit trait d’humour. J’essaye par exemple de traduire des proverbes ou des citations à travers le chocolat.
« Je suis toujours fan de ma dernière découverte ! »
Durant votre carrière, vous avez réalisé un tas d’associations plus improbables et irrésistibles les unes que les autres. De quel mariage êtes-vous le plus fier ? Pour le passage à l’an 2000, j’ai créé des chocolats apéritifs au fromage. Depuis, ils ont toujours autant de succès et attisent encore la curiosité.
Votre collection de tablettes affiche une trentaine d’origines de cacao. Quel est votre chocolat préféré ? Je suis toujours fan de ma dernière découverte ! En ce moment, c’est le Annam 70% que j’ai trouvé au Vietnam et qui affiche des notes acidulées de fruits jaunes.
Avec quoi aimez-vous accompagner le chocolat ? Je ne suis pas tellement amateur de liquide avec les bonbons de chocolat. En revanche, j’adore déguster mes croquants avec un alcool fort comme le cognac ou l’armagnac. C’est assez étonnant ! De plus, je trouve qu’un vin épicé type Côtes-du-Rhône fonctionne à merveille avec les gâteaux au chocolat puisqu’il va servir à rincer le palais pour en apprécier toute la dégustation.
Quels chocolatiers vous inspirent ? J’adore la manière dont Philippe Bernachon, Edouard Hirsinger et Franck Morin travaillent la fève de cacao !
« Ma manufacture devrait être opérationnelle au mois de juin ! »
Quels sont vos projets pour les 30 années à venir ? (Rires) Ça, ça reste à définir ! J’ai envie d’aller encore plus loin dans le goût des tablettes, dans le choix des grands crus de cacao. Je vais davantage me déplacer dans les plantations pour rencontrer les planteurs et pouvoir aller plus loin dans le choix des matières premières. C’est essentiel pour réussir à faire des chocolats de qualité.
Avez-vous pour projet d’ouvrir votre propre manufacture pour fabriquer votre chocolat, de la fève à la tablette ? Je viens justement de finir les travaux ! Ma manufacture devrait être opérationnelle au mois de juin !
30 ans après, avez-vous une anecdote cacaotée à nous raconter ? Quand je me promène dans la rue, il m’arrive d’être reconnu à l’autre bout du monde par des clients japonais. Cela me surprend à chaque fois. Et je crois que c’est justement de cette surprise que naît l’émerveillement !
Un grand merci pour cette interview Jean-Paul Hévin ! Nous vous souhaitons que ces 30 années à venir continuent de vous émerveiller ! Merci (rires) ! Et moi, je vous souhaite de bonnes fêtes de Pâques à vous, ainsi qu'à vos lecteurs !
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